Quelques extraits de Points & Contrepoints n°2
Joyce Mansour
Les machinations aveugles de tes mains
Sur mes seins frissonnants
Les mouvements lents de ta langue paralysée
Dans mes oreilles pathétiques
Toute ma beauté noyée dans tes yeux sans prunelles
La mort dans ton ventre qui mange ma cervelle
Tout ceci fait de moi une étrange demoiselle.
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Une pieuvre sirupeuse et dorée
Se débat sur ma jambe rayée.
La musique ce zèbre coloré
Jaillit en gerbe de la trompette désossée.
Les danseurs aux gonds caoutchoutés
Polissent leur sexe de velours plissé
Sur le plafond platiné de la loi.
En attendant que ma pieuvre à la bave sacrée
Bras et jambes intacts bleue de mots et de gin
S’endorme…
Chams Bernard
« Fumez, ombres et lumières »
Fumez, ombres et lumières,
Fumez perpétuellement
Que ce feu dure, lui qui, hier,
Fut allumé personnellement
Par les roches et par les pierres
Et amené très bellement
Par le sirop de nos prières
À ce sublime parlement
Des pupilles et des paupières.
Delphine Durand
« Mon aimé les os de tes talons... »
Mon aimé les os de tes talons sont les purs madriers
Les charpentes d’amour de mon coeur calciné
Ton nom envahit ma bouche comme un lait noir
Je suis clouée comme une étoile naine à la poussière de ton corps
Je monte vers toi mon amour et ton visage
Brille de très loin dans ma moelle ivre du visage de toi
Je te vois au festin de ce chai où le verbe se dénude dans un air de joyau
Tes yeux qui se font quatuors de Beethoven transparence qui transcende toute
surdité
S’ouvre un chenal de lumière à tes orbites nues comme le feu
Amour je baise la fureur captive de tes pieds écumant
Sur l’éternel cristal d’une plaie étincelant au front d’un python
J’ai faim de la turgescence nacrée de tes hanches
De la grappe de sombre acacia de tes cheveux que je mange broyés fins
De ton corps de sel réverbérant une épée brandie devant les défunts pétrifiés
D’un suaire allumé au feu qui n’est pas de mon royaume (...)
Olivier Valbreye
« Ballade pour Anna Karina »
Dix-sept ans, venue des pays frais,
Ton goût, ton port, ta jolie tête,
Ont charmé tant l’ Œil obscuré
Que l’autiste cœur des esthètes.
Visaient-ils aube plus discrète,
Ces rubans vifs, ces collants denses,
Ce haut timbre à la candeur nette,
Fleur des pays frais, lys de France ?
(...)